ARIANE [ eu ] phonie - soundscape of a refugees Greek camp
Les spectacles de Pietro Marullo, metteur en scène, chorégraphe et plasticien, sont des métaphores où les tensions du monde contemporain et les mythes fondateurs se chevauchent et s’expriment dans des formes qui hybrident les arts. Ainsi dans WRECK – List of extinct species, son dernier spectacle, il mélange l’art plastique, la création sonore et le mouvement, pour créer une puissante allégorie du naufrage.
Dans cette nouvelle création - Ariane [eu]phonie -, Il nous fait voyager en Crête, ce berceau de l’humanité occidentale où les civilisations se croisèrent, cette île des mythes devenue aujourd’hui une « nouvelle Lampedusa ».
Au milieu d’un camp de réfugiés, la figure d’une femme. La langue grecque qu’elle apprend aux étrangers lui permet de percer la toile de l’actualité tragique et de remonter aux récits ancestraux. Minos, fils de Zeus et d’Europe, légendaire roi de Crète, eut avec Pasiphaé, son épouse, une fille, Ariane. Celle-ci, éprise de Thésée et guidée par l’amour, l’aidera à tuer le Minotaure et à sortir du Labyrinthe.
Les temporalités, les archétypes, les images se croisent et Pietro Marullo tisse une nouvelle vision de la scène. Il met au centre du Labyrinthe l’oreille humaine pour bousculer les limites de l’imaginaire et traverser le « dédale » humain. L’organe auditif où réside le sens de l’équilibre devient le lieu d’échos intimes et de la perception du monde pour interroger les frontières matérielles et immatérielles qui sans cesse s’érigent entre les hommes, les dieux et la terre.
Que perçoivent les migrants – et nous - de ce mythe de la jeune Ariane symbolique d’une libération de la tyrannie et d’une mutation du monde ? Et cette femme leur apprenant le grec et cherchant à rester en équilibre dans une Crête décomposée à l’image du monde, s’adresse-t-elle, telle Ariane, aux forces divines et leur demande-t-elle :
« Quand est-ce que vous, les dieux, vous nous laisserez vivre en paix, sans vous ? Aujourd’hui commence l’ère de la terreur, mon royaume est déjà fini, et je ne verrai pas naître l’île des femmes, et je ne verrai pas surgir la ville des hommes ? ».
Distribution
Distribution en cours.
Son : Jean-Noël Boissé
Scénographie : Sabine Theunissen, Pietro Marullo, assistés de Marine Fleury
Assistanat : Noémi Knecht
Texte et mise en scène : Pietro Marullo
Lundi 4 février 2019,
par
Palmina Di Meo
VOYAGE AU SON DE L’IMAGINAIRE
Issu de l’Insas, Pietro Marullo travaille depuis de nombreuses années sur les matières et les volumes. Avec une formation parallèle de plasticien, c’est ce qui bouge sur un plateau qui le motive bien plus les mots.
Le son, matière centrale du projet, suggère des signifiés aux tableaux mouvants qu’il crée sur la scène. Pour lui, notre oreille est « Créatrice d’altérité ». Le son, les bruits sont un langage en soi, capables de générer les émotions les plus fortes.
Le noir, puis dans la pénombre, une voile ondule, gonflée par le vent d’une tempête, se transforme en étendard, aigle nazi ou appel de détresse. Et toujours un vacarme, un sorte de grondement, un déchaînement des forces de la nature.
Soudain une clarté presque aveuglante, un paysage d’une netteté clinique. Apparition d’une femme tout oreille qui vient coller avec soin des dessins d’enfants sur un container, seul résultat tangible de cette institutrice presque exsangue qui tente d’enseigner le grec aux enfants des migrants. Nous sommes sur les rivages de la Grèce d’aujourd’hui où les champs sont contaminés et où le miel a désormais la couleur du pétrole…
Dès sa création, la compagnie Insiemi irreali, s’est intéressée aux camps de réfugiés et aux effets de la politique européenne en matière de migrations ouvrant le questionnement sous un angle onirique. Des hotspots en Méditerranée, Marullo et ses artistes du voyage, nous invitent à suivre le fil d’Ariane au centre de la Crète dans le labyrinthe du Minotaure. Cette créature monstrueuse de Poséidon est née des amours de Pasiphaé, la femme du roi Minos et d’un taureau blanc que Poséidon avait demandé en sacrifice, animal fabuleux mi-homme mi- bête dominé par ses instincts.
Tout l’art de Pietro Marullo consiste à faire travailler les corps en fonction des matières pour créer de véritables fresques vivantes. De ces scénographies sophistiquées naissent des synchronicités inattendues et pertinentes.
Un spectacle pour les yeux et les oreilles, au goût amer teinté d’admiration pour l’impact qu’il réussit à avoir et les résonnances auxquelles il donne lieu. Objet théâtral à voir !
Palmina Di Meo
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