Sur scène, une maquette de dinosaure de 2 mètres dans un coin, une vitrine d’exposition dans l’autre, un mobile représentant le système solaire au-dessus. Nous sommes dans un musée de sciences naturelles ou peut-être dans une chambre d’enfant. On entend de la musique et peu à peu, les cinq figures présentes sur scènes s’animent. Les gestes sont réduits, ce ne sont que les mains qui bougent, les poings s’ouvrent et se ferment, réactions, réflexes à la pulsion dictée. La musique s’amplifie et les corps suivent. Les mouvements grandissent, les danseurs découvrent leur corps dans l’espace, la possibilité de mouvement leur est révélée. Poupées magiquement animées ? Figures d’exposition se réveillant la nuit ? Le lieu vidé, ces êtres exposés s’éveillent à la vie, mais comment bouger ?
Le dialogue se tissant entre les grands classiques que sont les compositions de Beethoven, Rachmaninov, Schoenberg ou Xenakis et les gestes des danseurs révèlent ce que ces mélodies peuvent avoir d’angoissant, de déstructuré, de fou. Les corps sont dépendants des rythmes et des tons, esclaves de la musique laquelle finit, malgré tout, par les « dérouiller ». Les moments de silence sont des instants de lucidité. Dépossédées, les figures se reposent, s’interrogent et expliquent : on doit sortir ce qu’il y a dans nos cœurs et âmes.
Bien que d’une grande beauté plastique, Built to Last nous parle moins des formes que des émotions, de l’histoire et de notre rapport au passé et à la culture. Comment faire sienne l’Histoire ? Comment ressentir personnellement ces grands airs objets de tant de citations ? La voie explorée par la compagnie semble être celle d’un certain décalage, d’une légère ironie, possibilité parmi d’autres d’incorporer ces références et de les faire siennes. Les oreilles grésillantes, les yeux pétillants, c’est en sifflant les airs entendus que les spectateurs quittent la salle.